Histoire et patrimoine
L’Âge du fer et les Elysiques
VIe – IIIe siècle av. J.-C.
La première tribu, ou confédération de tribus, qui a laissé son nom en Narbonnaise est celle des Elisyques, mentionnés par les historiens antiques. La culture de ce « peuple », aux origines peu connues, est comparable à celle du monde ibérique. C’est une société cohérente et fortement hiérarchisée qui semble avoir contrôlé le littoral de l’Aude et commerce avec les marchands et navigateurs grecs, étrusques et phéniciens. Au milieu du VIe siècle av. J.-C., une puissante capitale connue dans l’Antiquité sous le nom de Naro ou Narbo est établie, en premier lieu sur l’oppidum de Montlaurès, au nord de l’actuelle Narbonne. Un autre oppidum se trouve à proximité de Sigean à « Pech Maho » ; c’est à la fois, un relai maritime, une halte commode pour les navires pratiquant le cabotage le long des côtes, une place de commerce et une forteresse. À la même époque, un comptoir maritime est fondé à l’oppidum du Moulin à Peyriac-de-Mer.
En savoir plus :
Carnet du Parc : Pech Maho, comptoir lagunaire de l’Âge du fer
Narbonne, première fille de Rome en Méditerranée occidentale
IIe siècle av. J.-C. – Ve siècle
En 118 av. J.-C., après avoir vaincu le peuple celte des « Volques », le général Domitius fonde la colonie de Narbo Martius. Celle-ci, la première créée hors d’Italie, permet à Rome de contrôler la route vers l’Espagne, conquise depuis peu sur les Carthaginois. Narbonne est alors déjà un site commercial et un port de premier ordre. Cette importance économique et cette position stratégique au carrefour de la voie d’Aquitaine et de l’axe Italie-Espagne font que les Romains choisissent Narbonne comme capitale de leur province fraîchement conquise en Gaule. Cette province s’étend, à l’est, de Genève et de l’actuelle Côte d’Azur, à l’Ouest, aux Pyrénées orientales et à Toulouse.
L’action et la civilisation romaine transforment la ville et ses alentours. La via Domitia (reliant l’Italie à l’Espagne) est créée et bornée à partir de Narbonne. La via a également servi d’axe de base à la cadastration de la campagne narbonnaise où de nombreuses villas exploitent méthodiquement les richesses agricoles, et notamment la vigne. Des sites de productions importants voient le jour comme à Sallèles d’Aude, où les potiers fabriquent en masse des amphores pour le transport du vin, mais aussi différents matériaux de construction (briques, tuiles) et de la vaisselle du quotidien.
La Cité de Narbo Martius est modelée par le génie romain et atteint son apogée aux Ier et IIe siècles après J.-C. Elle devient l’un des premiers ports de la Méditerranée occidentale et compte alors presque autant d’habitants qu’aujourd’hui (40 000 h). Narbonne, à l’instar de Marseille, est une grande ville de l’Antiquité. En 422 elle est confirmée comme métropole ecclésiastique et voit la construction d’une première cathédrale.
En savoir plus :
Programme de recherche sur les ports antiques de Narbonne
Carnet du Parc : Les ports antiques de Narbonne
Un puissant centre religieux et commercial au Moyen Âge
IVe – XVe siècle
Narbonne est brièvement la capitale des Wisigoths au VIe siècle, puis capitale d’une éphémère province des Omeyades sous l’autorité de Cordoue au VIIe siècle. À partir du IXe siècle, la ville est un grand centre intellectuel et religieux.
L’Abbaye de Fontfroide, fondée en 1093 se développe au XIIe siècle après son rattachement à l’ordre cistercien et devient un chef-d’œuvre d’architecture. La Chapelle Saint-Pancrace (située aux cabanes de la Palme) et de nombreuses églises témoignent également de la qualité de l’art roman en Narbonnaise. Des vestiges d’architecture militaire romane sont visibles dans les ruines du Château de Montséret, au château de Fitou ou encore au Château de Leucate, aujourd’hui en ruines. Ces châteaux formaient la partie est du système défensif qui courait du littoral sud de l’Aude jusqu’à l’Ariège, marques de l’ancienne frontière entre la France et l’Aragon, puis l’Espagne, fixée dans les Corbières au traité de Corbeil au XIIIe siècle.
La Narbonnaise vit une période de conflits et d’exactions au début du XIIIe siècle en relation avec la croisade albigeoise et les luttes de pouvoir entre l’archevêque, le vicomte puis les ducs de Narbonne. Le pouvoir religieux du riche et puissant archevêque de Narbonne s’exerce dans toute la région jusqu’en 1322. Le palais des archevêques, adossé aux remparts de la ville est à la fois un luxueux lieu de résidence et une forteresse avec tour et donjon. Il est relié à la Cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur, construite au XIIIe siècle, chef d’œuvre inachevé du gothique rayonnant venu du nord de la France. Les ruines de l’église de Notre-Dame des Oubièls à Portel des Corbières, au bord de la Berre et l’église en fortifiée de Peyriac de Mer sont également des témoignages de l’art gothique en Narbonnaise.
Narbonne redevient au Moyen Âge une grande place du commerce international et un port dynamique. Au XIVe siècle, la situation se détériore : la guerre de Cent Ans, puis la peste qui tue des milliers d’habitants mettent la ville en grande difficulté. Enfin, en 1316, une catastrophique crue de l’Aude ravage la ville et détourne le fleuve vers le nord. L’abandon définitif du lit urbain prive Narbonne d’une de ses principales artères vitales. Pour tenter de conserver malgré tout leur ouverture sur la mer, les Narbonnais cherchent à améliorer leur dispositif portuaire en aménageant un des anciens cours de l’Aude. Ce canal, appelé Robine, dont le lit, d’une trentaine de kilomètres, fut à plusieurs reprises modifié, joint l’Aude, par Narbonne et les étangs, au grau de la Nouvelle, alors simple passe sur une côte déserte.
Sauver le port
XVIe-XVIIIe siècle
La Narbonnaise est à l’extrême sud du Royaume de France, frontalière avec l’Espagne jusqu’au traité des Pyrénées (en 1659) sous Louis XIV qui la repousse définitivement au sud du Roussillon. Elle constitue le principal axe de passage vers ce pays et notamment vers la Catalogne. Les guerres avec l’Espagne renforcent cette position stratégique, mais entraînent de nombreuses destructions. En 1560 Sigean, qui fut longtemps la ville la plus au sud du royaume de France, est prise par les Espagnols. Les maisons sont pillées et brûlées, les remparts en partie démolis et les archives détruits.
La Narbonnaise est victime de crises économiques et de conflits qui provoquent son déclin démographique. Inexorablement le trafic portuaire se déplace aux bénéfices de sites méditerranéens aux infrastructures plus favorables. De nombreux armateurs partent. Les navires débarquent un temps leurs marchandises dans les eaux profondes aux pieds des falaises de Leucate, mais le site ne se développe pas à en raison de son éloignement de Narbonne. Une opportunité est manquée avec la création sous le règne de Louis XIV du canal du Midi. Il est envisagé un temps que la Robine soit le débouché maritime de ce canal. Mais l’inauguration en 1681, du canal des Deux Mers (Canal du Midi), qui met en communication l’océan Atlantique et la Méditerranée, Bordeaux et Sète, porte un coup fatal au vieil organisme portuaire de Narbonne. Les Narbonnais croient toujours en leur destin maritime et voient dans leur jonction au canal du Midi et la restauration de la Robine une planche de salut, une nouvelle artère à vocation commerciale et militaire. Mais la mise en service vers 1787 du canal de jonction qui relie le canal du Midi à l’Aude, puis celui-ci par la Robine à Narbonne, arrive trop tard. La conjoncture a changé, le déclin du commerce narbonnais est consommé et Narbonne, épuisée d’avoir voulu rester un port.
En savoir plus :
Carnet du Parc La Robine et les gens du canal
Carnet du Parc L’ancienne frontière
L’essor viticole et touristique
XIXe-XXe siècle
Au début du XIXe siècle, pour remédier à l’envasement de l’étang de Bages-Sigean, c’est à son embouchure avec la mer qu’est créé Port-la-Nouvelle, port qui sera relié plus tard directement au canal de la Robine.
Longtemps l’agriculture de la Narbonnaise se caractérise par une polyculture méditerranéenne alliant céréales, viticulture, olives et miel, associée aux produits de la mer et à l’exploitation des salines. La renaissance du territoire prend corps sous Napoléon III, avec l’arrivée du chemin de fer et la spécialisation agricole des régions françaises. La viticulture prend alors la première place. La Narbonnaise est l’une des dernières régions de France touchée par la crise du phylloxéra ce qui lui conférera une richesse que l’on perçoit encore aujourd’hui dans l’architecture de Narbonne et des villages ainsi que dans celle des « folies viticoles » de la campagne. Mais la résorption du phylloxera et la reconstitution des vignobles conduit à une surproduction et à la grave crise viticole de 1907. De crise en crise, la viticulture narbonnaise abandonne la production de masse et se tourne résolument vers la qualité avec la mise en place des Appellations d’Origine Contrôlée Fitou (dès 1948), puis Corbières, Coteaux du Languedoc, La Clape et Quatourze.
À partir du début du XXe siècle le goût pour les bains de mer voit la création puis l’essor de petites stations à La Franqui à côté de Leucate, Port-la-Nouvelle et ce qui deviendra Narbonne-plage. Dans les années 1960, la mission interministérielle d’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon, également connue sous le nom de mission Racine, est à l’origine de l’expansion de Port-Leucate et Gruissan. Le littoral narbonnais dispose cependant d’une majorité d’espaces vierges – c’est après la Corse, le littoral le moins urbanisé de la Méditerranée française.
C’est la qualité et la richesse de ses milieux naturels et de son patrimoine qui permet à la Narbonnaise d’obtenir en 2003 le label Parc naturel régional et en 2006 le label international Ramsar pour ses étangs. La Narbonnaise se tourne résolument vers la protection de l’environnement et le développement durable, en lien avec son évolution économique.
En savoir plus :
Carnet du Parc Le temps de la vigne
Carnet du Parc La vie de chaletain à Gruissan
Carnet du Parc Le village des Carrats à Port Leucate
Le petit patrimoine
Les milieux secs
Nous sommes en pays calcaire, où de nombreux fours à chaux ont été exploités par le passé. Certains d’entre eux, en ruines, parsèment encore le paysage. Les garrigues sont aussi souvent quadrillées d’enclos et de murets ou piquetées d’abris pastoraux (capitelles) et d’anciennes bergeries qui rappellent l’importance qu’a eue l’élevage ovin. Cet élevage nous a légué les espaces ouverts des collines autrefois pâturées. Il est encore possible aujourd’hui de retrouver des traces de quelques charbonnières et les ruines de moulins à vent, visibles sur les collines, témoignent que la plaine narbonnaise était autrefois tournée vers la culture des céréales. À partir du XIXe siècle, un océan de vigne apparaît, apportant une aisance certaine à la Narbonnaise : les petites remises viticoles fleurissent alors dans le paysage et font aujourd’hui partie de notre patrimoine paysager.
Le petit patrimoine lié à l’eau (douce, saumâtre ou salée)
La plaine Narbonnaise, terre formée par l’Aude sur les étangs, est traversée de nombreux canaux, de drainage ou d’irrigation, qui comprennent tout un réseau de vannes (martelières). Ces réseaux se retrouvent aussi dans le système d’exploitation des salins qui possèdent tout un patrimoine spécifique, fait de nombreux bâtiments et de digues en pierres ou en terre, qui marquent le paysage lagunaire. Les bords des étangs et de la mer abritent aussi des remises de pêcheurs plus ou moins modernes, symboles d’un patrimoine vernaculaire en constante recréation.